Atena Daemi : 54 jours de grève de la faim pour être la voix des sans voix en Iran

CNRI Femmes – Voici la lettre de la prisonnière politique en Iran Atena Daemi qui a mis fin à sa grève de la faim le 31 mai 2017, quand le tribunal a annulé la pleine de prison pour ses sœurs.

 Je me suis mise en grève de la faim pour être la voix des sans voix. D’abord, ils ont harcelé mon père. Ensuite, ils ont déposé une nouvelle plainte et ont condamné mes sœurs à la prison. Une peine injuste et illégale destinée à nuire à mes sentiments et à me faire taire. Comme je l’ai dit aux autorités, peu importe que la peine de mes sœurs soit d’un jour ou d’un an, qu’elle soit avec sursis ou ferme, je proteste contre le simple fait d’avoir pris en otage des familles de prisonniers politiques et de martyrs tombés pour liberté. Et sur cette voie, je n’ai pas peur de la mort. La mort sera mon dernier bunker.

Je voulais être la voix de tous ceux qui ont souffert en famille pendant toutes ces années. Mes sœurs ont été mon excuse pour être la voix de Maryam et Reza Akbari Monfared, dont quatre frères et sœurs ont été exécutées il y a 38 ans. Ils sont tous deux emprisonnés aujourd’hui pour avoir réclamé justice. Après avoir passé huit ans en prison sans un seul jour de permission de sortie, Maryam a été convoquée récemment par les forces de sécurité et a menacée une autre peine d’emprisonnement. Comme si l’ombre d’une peine injuste de 15 ans n’était pas suffisante pour ses trois petites filles.

Je voulais être la voix de Fatemeh Mosanna qui n’avait que 13 ans quand elle a été arrêtée pour la première fois alors que ses trois frères avaient été exécutés. Maintenant, elle et son mari, Hassan Sadeghi, sont en prison avec une peine de 15 ans.

Je voulais être la voix de Fariba Kamalabadi et Mahvash Sahriari qui sont déjà en prison depuis dix ans et qui n’ont pas pu assister aux mariages de leurs enfants. Je voulais être la voix des mères emprisonnées. Du couple emprisonné Elham Farahani et Adel Namimi, dont le fils Shamim a été récemment libéré après 4 ans de prison.

Je voulais être la voix d’Azita Rafizadeh et de son mari, Payman Koushky, dont l’enfant de 7 ans, Bashir, forge ses souvenirs d’enfance sur la route entre les prisons d’Evine et de Rajaïchahr. Je voulais être la voix des frères, Mehdi et Hossein Honarmandi, qui purgent leurs peine ensemble. S’’ils avaient été des laquais du gouvernement, ils auraient été certainement libérés à l’heure actuelle et le son de leurs instruments aurait assourdi le monde.

Je voulais être la voix des couples emprisonnés. Afarine Neissari et Karen Vafadari dont la maison commune est [la prison d’] Evine. Aussi la voix d’Arash et de Golrokh. Arash dont la mère a été tuée par les forces de sécurité, doit maintenant vivre sa vie avec Golrokh sous les hauts plafonds d’Evine en purgeant une lourde peine.

Je voulais être la voix de la famille Daneshpour. La voix des parents de Behnoud Ramezani qui ont été condamnés à la prison pour avoir voulu savoir pourquoi leur fils a été tué.Je voulais être la voix de Mansoureh Behkish qui a interrogé sur la raison de l’exécution de ses six frères et sœurs et où ils ont été enterrés et qui a reçu pour réponse une longue peine de prison. Ou la famille Zeinali qui a demandé : « Où est notre fils, Saïd », et qui été arrêtée et emprisonnée.

Je voulais être la voix de notre mère Chahnaz qui a dit : « Tu as tué mon fils. Maintenant, au lieu de punir les auteurs du meurtre de Mostafa, libère tous les prisonniers politiques. »  Mais voilà qu’elle est devenue elle-même une prisonnière politique.

Je voulais être la voix de Payman Arefi dont la mère et la sœur innocentes ont été tuées dans un accident alors qu’elles venaient lui rendre visite Ou la mère de Mohsen Ghashghaï.Je voulais être la voix de Zanyar et Loghman Moradi. Zanyar préfère endurer la prison sans la visite de ses parents plutôt que de voir le calvaire de ses parents. Malgré son jeune âge, Zanyar passe des jours amers sous la menace d’une exécution.

Je voulais être la voix de tous les prisonniers kurdes qui font bravement face à toute sorte de torture, à des confession forcées et enfin à la potence pour protéger leurs familles contre les menaces des forces de sécurité. Les chers frères Dehghani, Shahram, Bahram et Hamed Ahmadi. Il est terrible que le nombre des personnes arrêtées dans la famille Hossein Panahi au Kurdistan augmente de jour en jour.

Je voulais être la voix de Maryam Olangi dont le mari, Mohsen Dokmechi, est mort en prison en raison de la négligence des autorités et maintenant Maryam est en prison pour avoir prêté attention à son mari.Je voulais être la voix de Shabnam et Farzad Madadzadeh, Jila Bani Yaghub et Bahman Amouyi, Nika et Nava Kholoussi, Kayvan et Kamran Rahimian et Faran Hessami. La voix de Shamisse Mohajer et Shahab Dehghan et je voulais être la voix de Parastou Forouhar et Masoumeh Dehghan, et la voix de Siamak et Bagher Namazi actuellement détenus en isolement cellulaire !

Je voulais être la voix de tous ceux qui ont quitté le pays par manque de sécurité après avoir été libérés de prison. Qui pourrait comprendre les difficultés de l’exil forcé à part eux et leurs familles?

Je voulais aussi être la voix de la pierre tombale de la mère de Shahine Najafi (chanteuse exilée) pendant qu’ils étaient en train de la briser, pour dire que non seulement nous, les critiques, les opposants et les prisonniers politiques, mais aussi nos familles sont en danger d’arrestation et d’emprisonnement, en plus de toutes les menaces, les insultes et les pressions qu’elles doivent supporter en raison de la persécution de leurs proches.

Il y a cinquante-quatre jours, j’ai commencé ma grève de la faim, mais je ne voulais pas être une pression supplémentaire pour mes compagnes de cellule qui souffrent. Néanmoins, durant tous ces jours où j’avais soif d’une seule goutte d’eau, je les voyais vomir leur vie à chaque fois que je vomissais ou avais des nausées. J’avais honte qu’elles soient témoin de mes souffrances. Leurs cris de protestation contre le manque d’attention des autorités devant mon état ont fait trembler les murs de la cellule. Elles ont été menacées et punies mais ne m’ont pas abandonnée. Je m’incline devant chacune d’elle.

J’étais en grève de la faim pendant 54 jours et ma famille a été torturée en me voyant monter dans un état de faiblesse les escaliers du parquet et du tribunal alors que les autorités n’y attachaient pas d’importance. Elle a fondu avec moi, et elle m’a accompagnée pour devenir ma voix par leur résistance courageuse et unique. Le ministère du renseignement a menacé mes parents, mais ils ont fermement résisté et continué à me soutenir. J’embrasse les pieds fatigués de mon père et les mains de ma mère qui écrivaient pour moi. J’embrasse les yeux pleins de larmes de mes sœurs qui ne voulaient pas me voir blesser pour elles, alors qu’en réalité elles étaient celles qui avaient été ciblées à cause de moi. Je les remercie d’être à mes côtés.

Oui, je voulais être la voix des sans voix, mais j’ai été écrasée par la propagande au plus fort de la campagne électorale.

Cependant, c’est vous, les gens honorables qui êtes devenus ma voix et qui êtes restés avec ma famille. Je ne vous connais pas et je ne vous connaitrai jamais. Ou les amis sincères qui ont toujours été à côté de moi. Sans vous, je n’aurais jamais réussi au bout de 54 jours. Certes, je dois nommer beaucoup de personnes mais je ne peux pas pour des raisons de sécurité.

Au bout de 54 jours, ce n’est pas moi, mais vous, qui avez réussi avec votre ample soutien, vos stylos, vos cris, vos poèmes, vos chansons, vos peintures, etc. Vous avez remporté cette victoire par tous les moyens possibles, ce qui est très doux pour nous tous.Je remercie toutes les organisations de défense des droits humains.Après 54 jours de grève de la faim, vous et moi, avons gagné le verdict de non-lieu de mes sœurs et ce n’est que le début.

C’est le début du chemin de résistance à la persécution et au harcèlement des familles des martyrs et des prisonniers politiques.Avec cette victoire qui a été rendue possible avec votre soutien, chers amis et sympathisants, je termine cette grève de la faim le 31 mai 2017. Et je remercie tous vos compagnons.Dans l’espoir de la liberté

Atena Daemi

31 mai 2017

Section des femmes de la prison d’Evine

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