Le massacre de 1988 en Iran est réexaminé lors d’une conférence pour la justice à Achraf

Le massacre de 1988

Le lundi 15 juillet 2019, 5e jour d’une série de rassemblements à Achraf 3, siège de l’OMPI en Albanie, une conférence rassemblant des experts internationaux et des rescapés des massacres de 1988 en Iran a discuté de la nécessité d’engager des poursuites internationales contre les commanditaires et les auteurs de ce génocide.

Au cours de l’été 1988, le régime iranien a massacré des dizaines de milliers de prisonniers politiques. Le massacre de 1988 a été perpétré sur la base d’une fatwa du Guide suprême de la dictature religieuse, Rouhollah Khomeiny. Des commissions de la mort ont prononcé des peines capitales en série, après des procès simulés de quelques minutes. La grande majorité des victimes étaient membres de la principale organisation de l’opposition, les Moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI), également connue sous le nom de Moudjahidine Khalq (MeK).

Les auteurs de ce crime contre l’humanité n’ont jamais eu à répondre devant la justice. Pire encore, certains ont été promus aux postes les plus élevés du gouvernement et du pouvoir judiciaire iraniens.

 

Appel à la justice

Mme Maryam Radjavi, présidente élue du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), est intervenue lors de la conférence sur le massacre de 1988. Voici un extrait de son allocution :

Le massacre des militants de l’OMPI et d’autres prisonniers politiques a été une confrontation sanglante entre la génération du Moyen-Âge et la génération de demain. C’est cette dernière qui a provoqué la révolution de 1979 et qui représentait une nation résolue à bâtir une société fondée sur la liberté et l’égalité, mais qui a été confrontée au monstre de la tyrannie religieuse et à l’avalanche de la répression et des pillages des richesses du pays.

Le massacre de 1988 a été le théâtre horrible d’une confrontation historique. Mais ce n’était pas la fin. Malgré toute son atrocité, ce ne fut que le début d’une nouvelle confrontation qui se poursuit et qui finira par tracer le destin de la nation iranienne avec le mot « liberté ».

Par sa fatwa pour le massacre de 1988, Khomeiny avait l’intention d’en finir une fois pour toute avec les Moudjahidine.

La dernière liste des victimes établie par l’OMPI indique que le massacre de 1988 a eu lieu dans au moins 110 villes.

L’une des conséquences les plus néfastes de la politique d’apaisement a été d’offrir l’impunité aux meurtriers au pouvoir en Iran, dont les crimes ont commencé au début des années 1980, ont atteint leur apogée lors du massacre de 1988 et se poursuivent encore aujourd’hui.

C’est dans le cadre de cette impunité offerte aux dirigeants du régime clérical qu’on a assisté à un déni du crime selon un plan prémédité, tout comme le massacre des détenus politiques a été perpétué selon un plan conçu d’avance.

Accorder l’immunité aux dirigeants du régime et fermer les yeux sur leurs crimes n’a fait que les exhorter dans le terrorisme et les guerres qu’ils perpétuent à l’étranger.

Le temps est venu pour les Nations Unies de lancer une mission d’enquête internationale sur le massacre de 1988 en Iran. Le temps est venu pour que la communauté internationale reconnaisse le droit du peuple iranien à la résistance et à la lutte pour renverser le fascisme religieux des mollahs.

J’appelle tous les Iraniens en Iran et à l’étranger à faire avancer et à élargir le mouvement de l’Appel à la justice en faveur des victimes du massacre de 1988.

Témoignages des rescapés

Plusieurs rescapés du massacre de 1988 ont témoigné des crimes dont ils avaient été témoins.

Même les enfants n’étaient pas épargnés par la torture

Voici des extraits du témoignage d’une ancienne prisonnière politique, Kobra Jokar, lors de cette conférence :

J’ai été emprisonnés pendant six ans. Les Gardiens de la révolution m’ont arrêtée alors que j’étais enceinte. J’ai été transférée dans le quartier 209 de la prison d’Evin om j’ai été aussitôt soumise à la torture. C’est dans ce quartier que j’ai vu quatre hommes torturer mon mari devant moi. Ils m’ont aussi torturé devant lui.

Quelques jours plus tard, ils ont fusillé mon mari avec 75 autres personnes. Le tortionnaire a dit : “Je voulais qu’il ne voie jamais son bébé.”

Le régime a exécuté une cinquantaine de femmes enceintes, dont Massoumeh, la sœur de Mme Maryam Radjavi.

Ils m’ont emmené à l’hôpital pour accoucher, avant de me ramener rapidement en prison même malgré mon état de santé alarmant.

En prison, il n’y avait ni médecin ni médicaments pour les enfants. Dans quartier collectif, il n’y avait que 15 minutes d’eau chaude par jour, que nous devions utiliser pour donner laver les enfants. Beaucoup de ces enfants avaient perdu leurs parents au cours des exécutions.

Les tortionnaires ont même interrogé les enfants. Ils avaient attaché une petite fille à une chaise dans une pièce sombre et l’avaient torturée pour qu’elle révèle les noms des amis de sa mère.

J’ai réussi à m’évader de la prison en 1987. Un an plus tard, toutes mes codétenues ont été exécutées lors du massacre de 1988.

Ce qui nous a aidés à surmonter les temps sombres de la prison et à lutter pour la liberté, c’est l’espoir et la foi que nous inculquaient en nos dirigeants.

 

Torture dans la cage et le cercueil

Extraits du témoignage d’une ancienne prisonnière politique, Hengameh Haji Hassan :

J’étais infirmière à Téhéran. En 1981, j’ai été arrêté parce que je soutenais l’OMPI. Ma collègue et amie Shekar a été arrêtée avec moi, et elle a été exécutée en 1988 après avoir été torturée dans ce qu’on appelait “la cage”.

Notre délit était d’avoir soigné des personnes qui ont été blessées par les Gardiens de la révolution.

En prison, nous avons été soumises à de graves de torture. Ils nous empêchaient de dormir et nous ont détenus dans des cellules surpeuplées. Ils nous ont forcés à dormir dans des petits caisses appelées “cercueils”.

Nous avons été obligés de nous asseoir dans des cabines appelées “la cage”. C’étaient de petites cloisons où on ne pouvait que s’accroupir. Tu ne pouvais pas bouger, tu ne pouvais même pas tousser ou éternuer. Si on bougeait, on nous frappait. En même temps, nous avions les yeux bandés.

Ma vue a souffert à cause de cette torture et j’ai eu de graves problèmes de colonne vertébrale. J’ai été opérés à cinq reprises et je n’ai toujours pas récupéré.

Quand nous sommes sortis des “cages”, nos amis ne nous ont pas reconnus. Les tortionnaires nous torturaient au moindre prétexte. Un tortionnaire nous répétait qu’on allait mourrait dans ces cages.

On ne nous donnait que trois minutes par jour pour aller aux toilettes. On ne pouvait même pas se brosser les dents. On n’était nourri qu’occasionnellement et les repas étaient inconsommables. La nuit, à l’heure de la sieste, ils allumaient des haut-parleurs qui crachaient des hymnes de deuil du régime.

Les tortionnaires ont cherché à nous briser et à nous forcer à des repentirs. J’ai décidé de leur donner une leçon et de leur montrer qui nous sommes.

J’ai décidé de me préparer à des journées très difficiles. J’ai méticuleusement organisé mon emploi du temps quotidien. J’ai répété tous mes cours à l’école, tous les poèmes que je connaissais, toutes les chansons. J’avais un programme d’exercices physiques. Nous n’avions pas le droit de bouger, mais je m’imaginais faire du sport.

La nuit, quand nous ne pouvions pas dormir à cause des haut-parleurs, je me suis entraîné à ignorer ce vacarme en voyageant dans mon esprit vers des endroits agréables.

Le plus dur pour nous, c’était d’avoir le sentiment de solitude. A cette époque, je pensais à Dieu, et je pensais à notre dirigeant, Massoud Radjavi. Je m’imaginais parler avec lui et je ne me sentais plus seul.

Les tortionnaires pensaient qu’ils pouvaient nous briser par la torture, mais cela ne faisait que nous rendre plus fortes, car cela prouvait que ce que nous faisions était juste.

En prison, nous nous considérions comme des représentants de l’OMPI et nous estimions qu’il était de notre responsabilité de défendre nos valeurs.

Quand je suis sortie de prison, la première chose que j’ai faite a été de rejoindre l’organisation. C’est une lutte qui se poursuivra jusqu’à la fin.

 

“Les unités résidentielles”

Homa Jaberi, une autre prisonnière politique des années 80, a pris la parole à cette conférence. Dans une partie de son témoignage, elle a dit :

J’ai été emprisonnée pendant cinq ans. J’ai été torturée et j’ai également été témoin de nombreuses tortures.

J’ai été arrêtée en 1981 et j’ai passé de nombreuses années dans les prisons de Gohardasht (appelé également Rajai Shahr) et Evin.

Comme le régime n’a pas réussi à briser les prisonnières de l’OMPI par la torture, ils ont créé un complexe appelé “les unités résidentielles”.

C’était un lieu de détention secret. J’y suis restée 40 jours. Le premier jour, j’ai été copieusement brutalisée et flagellée.

Ils nous ont bandées les yeux et nous ont toutes emmenées dans une pièce et nous ont dit qu’ils nous tueraient la nuit venue. Ils nous ont torturées pendant des heures jusqu’à minuit.

J’avais les mains gonflées à cause des coups de fouet. J’avais des ecchymoses sur tout le corps et le visage. Le bourreau m’a lancée : “Personne ne t’entendra ici. Vous allez toutes mourir ici.”

Ils nous ont empêchées de dormir pendant plusieurs jours.

On n’avait même pas le droit de crier sous la torture. Les bourreaux exprimaient leurs ordres avec des coups de fouet. Par exemple, s’ils voulaient nous dire que nous pouvons dormir, ils le faisaient en nous fouettant.

J’ai été ramenée à la prison d’Evin après 40 jours, mais certains de mes amies y sont restées pendant six mois. Certains d’entre elles ont perdu leur équilibre mental.

Certaines prisonnières ne voulaient même pas parler des tortures qu’elles avaient subies dans ces “unités résidentielles”. D’autres ont dit que les tortionnaires les obligeaient d’imiter des bruits d’animaux ou de s’insulter elles-mêmes. Certaines avaient été violées.

La foi et la confiance que j’avais dans notre dirigeant, Massoud Radjavi, m’ont aidé à surmonter les conditions difficiles de la prison.

 

Au moins 55 femmes enceintes parmi celles qui ont été exécutées

Fereshteh Akhlaghi, de l’Unité de recherche de l’OMPI sur les martyrs, a fait un exposé sur les crimes commis par le régime religieux dans ses prisons. Voici des extraits de son intervention :

L’exposition que vous avez vue n’est que la pointe de l’iceberg. Permettez-moi de vous donner quelques détails pour mieux comprendre l’ampleur des crimes commis par le régime religieux en Iran.

En deux ans seulement, le régime a exécuté 477 adolescents, dont trois personnes de 12 ans, huit de 13 ans, dix-neuf 14 ans et 32 autres de 15 ans. D’autres avaient 16 et 17 ans.

Nous avons compilé les noms d’au moins 55 femmes enceintes parmi les personnes exécutées. La sœur de Mme Radjavi a été exécutée alors qu’elle était enceinte de six mois.

L’une de ces femmes enceintes a été convoquée par le bourreau et a appris que son mari avait été exécuté. Le bourreau a ensuite proposé de la libérer en contrepartie des repentirs télévisés. En réponse à cette offre, elle lui a craché au visage.

Un mari et sa femme ont été arrêtés et torturés au point qu’ils ne pouvaient plus se reconnaître l’un l’autre, lorsqu’ils se sont rencontrés après deux semaines.

Le régime a également exécuté et torturé des personnes âgées. La mère de la famille Shafayi, dont la plupart des membres avaient été tués ou exécutés, a également été exécutée par le régime. Avant son exécution, elle a dit : “Je suis fière d’avoir tout donné pour la liberté.”

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