Minou Behnam, une infirmière sereine qui s’occupe des combattantes de la liberté

Minoo Behnam 1-min

Minou Behnam est quelqu’un qui a vu les derniers regards des êtres humains dans les derniers moments de leur vie et qui témoigne de la détermination des combattantes de la liberté à surmonter les circonstances les plus difficiles.

Détendue et confiante, Minou Behnam se présente :

Je suis née en 1951 dans la ville de Kangavar dans la province de Kermanshah (ouest de l’Iran). Nous étions 5 frères et sœurs et j’étais le troisième enfant de la famille. Je n’ai vécu à Kermanshah que jusqu’à l’âge de 14 ans à cause du travail de mon père comme coordonnateur du bureau du recensement.  J’ai obtenu mon baccalauréat à Chiraz (dans le sud) et mon diplôme d’infirmière de l’Université d’Ispahan (au centre de l’Iran). J’ai travaillé comme infirmière à Téhéran et à Ispahan pendant 10 ans et j’ai supervisé plusieurs hôpitaux à Téhéran pendant un certain temps.

J’ai connu l’Organisation des Moudjahidine du peuple (OMPI) par l’intermédiaire de la famille de mon père en 1973, environ cinq ans avant la révolution antimonarchique. C’était après l’exécution des membres fondateurs de l’OMPI et l’arrestation des dirigeants de l’organisation. Moi et ma génération, nous avons découvert l’OMPI à travers la défense de ses dirigeants lors de leurs procès.

Après la révolution de 1979, j’ai continué à suivre l’OMPI. Je n’étais pas membre de l’organisation, mais je les soutenais en récoltant des aides financières et en participant à leurs meetings et manifestations. Mon soutien a continué jusqu’au jour où mes deux cousins Mohsen Farshid[1] et Mojtaba Farshid[2] ont été tués par les Gardiens de la révolution.

Après cela, je ne pouvais plus me contenter d’être un simple partisan. Leur sang avait un message pour moi : un appel à continuer leur chemin.

Mais il était alors impossible d’adhérer aux Moudjahidine à l’intérieur du pays. Dans les années 1980, quiconque envisageait de rejoindre l’OMPI risquait d’être arrêté, emprisonné, torturé et exécuté. J’ai alors décidé de quitter l’Iran avec mes deux filles, Maryam et Achraf, pour rejoindre l’OMPI.

Minou Behnam explique ses fonctions après son entrée à l’OMPI :

Plus de 30 ans se sont écoulés depuis mon arrivée au siège de l’OMPI et mon entrée dans l’organisation. En raison de mes antécédents professionnels, j’ai été engagée dans les cliniques médicales de l’OMPI depuis le début et j’ai passé la majeure partie de ces trois décennies à aider les résistantes malades ou blessées que j’aime plus que ma vie : des moments qui m’ont coupé le souffle et m’ont laissé sans voix.

L’un des moments les plus douloureux que je n’ai jamais connus a été lorsque j’ai vu le corps ensanglanté de Mahnaz Bazzazi après que le siège de l’OMPI ait été bombardé en Irak.

Une infirmière compétente doit faire preuve de courage en gardant son calme et son contrôle face à une situation extraordinaire.

Après le bombardement, dans l’obscurité totale, j’ai essayé de retrouver Mahnaz sous les décombres. Afin de servir de mes deux mains, je tenais la lampe de poche par les dents et j’avançais. Sur une courte distance, la lumière tomba sur Mahnaz dont les deux jambes avaient été amputées au-dessus du genou. Elle souffrait atrocement.

Pour arrêter l’hémorragie, je l’ai enveloppée dans un sac de couchage et l’ai transportée à l’hôpital. Elle a subi plusieurs interventions chirurgicales, avant d’être condamnée à vivre sur un fauteuil roulant. Peu de temps après qu’elle ait pu recevoir des visiteurs, un certain nombre des amies de Manaz sont venus lui rendre visite. Tout le monde avait les larmes aux yeux et personne ne voulait voir tant souffrir sa courageuse commandante.

Elles sont entrées dans la chambre de Mahnaz et ont toutes été choquées par son grand moral et sa vivacité. Elle les a saluées comme d’habitude, pleine de vie en leur offrant des fruits et des gâteaux tout en se remémorant des souvenirs qui faisaient rire l’audience.

Je l’ai donc vue commander sa plus grande bataille bien au-delà de toutes les batailles qu’elle avait jamais commandées auparavant. À mon avis, elle était en train d’inculquer l’esprit d’une grande femme résistante qui, malgré les difficultés qu’elle rencontrait, était pleine de vie et d’espoir pour l’avenir.

J’aimerais aussi raconter un autre exemple de ces moments qui coupent le souffle tellement ils sont rares et beaux.

Le dernier mardi de l’hiver est un jour particulier pour les Iraniens qui fêtent le Nouvel An, le premier jour du printemps. Ce mardi, le soir venu, nous organisons la ” fête du feu ” en sautant sur des brasiers qui nous rappellent que la lumière a toujours le dessus sur les ténèbres.

L’un de ces mardis de fin d’année, l’une de mes patientes était dans un état alarmant. Elle avait subi une intervention chirurgicale majeure au niveau cervical et ophtalmologique. Les médecins avaient abandonné tout espoir de guérison.

J’ai décoré sa chambre conformément à la tradition persane pour la rendre heureuse et essayer de la connecter à l’ambiance de la fête. Avec un beau sourire, elle m’a lancé sur un ton de plaisanterie : “Et ma fête du feu ?”

Je savais qu’elle n’avait pas la capacité physique d’aller dehors et de se joindre à tout le monde pour sauter par-dessus le feu et célébrer la tradition, mais j’ai quand-même trouvé une idée. J’ai pris de l’alcool et un peu de coton que j’ai mis dans une petite vase pour y allumer un petit feu.

Nous nous sommes tenues la main et nous avons sauté par-dessus la flamme en prêtant le serment de faire disparaître le mal et de continuer la lutte jusqu’à ce que le bonheur revienne sur notre terre natale.

 

Résumant ses souvenirs, Minou Behnam conclut :

Beaucoup d’années se sont écoulés et la résistance a connu de nombreux moments triste et joyeux, mais quand je regarde en arrière, la seule chose qui brille à travers tous les hauts et les bas, c’est la force des femmes qui ont partagé leurs moments les plus durs et les plus beaux avec moi pendant toutes ces années. Et à travers toutes les douleurs et les souffrances, les larmes et les sourires, je peux voir en elle et je suis profondément convaincue que l’avenir radieux de mon pays se réalisera.

[1] Mohsen Farshid était vétérinaire et candidat des Moudjahidine à Kermanshah , assassiné par les Gardiens de la révolution à Téhéran en 1981.

 

[2]   Mojtaba Farshid était un militant estudiantin des Moudjahidine qui a été arrêté et exécuté à Téhéran en 1981.

Exit mobile version