Crimes contre les femmes de l’OMPI lors du massacre de 1988 en Iran
CNRI Femmes – Le reportage sur le rassemblement historique de 1 000 anciens prisonniers politiques à Achraf-3 le 14 novembre 2021 se poursuit avec les discours de trois prisonnières politiques. Elles ont parlé des terribles crimes commis contre les femmes de l’OMPI lors du massacre de 1988 en Iran.
La réunion s’est déroulée simultanément aux audiences du tribunal à Durrës en Albanie, dans le cadre du procès de Hamid Noury, l’un des auteurs du massacre. Le tribunal de Stockholm qui tient se procès ayant décidé de se transférer en Albanie pour y entendre les témoins clés de la cité d’Achraf-3 de l’OMPI en Albanie.
Mme Parvine Firouzan a passé 9 ans et demi dans les prisons d’Evine, de Qezel Hessar et de Gohardacht.
“J’ai été arrêtée en juillet 1981. J’ai été témoin du massacre de mes sœurs dans la prison d’Evine. Jusqu’à présent, peu de choses ont été dites à ce sujet. Au moment du massacre, j’étais enfermée dans un bâtiment de trois étages appelé Amouzeshgah (le centre de formation). Les autorités ont confisqué tous les journaux et stoppé toutes les visites à la fin du mois de juillet. Elles ont aussi confisqué toutes les télévisions.
“À 23 heures, le 27 juillet 1988, elles ont soudain appelé quatre personnes par le haut-parleur. Zahra Falahati, Mahboubeh Haj-Ali, Faranguisse Mohammad-Rahimi et Forough. Ils les ont emmenées avec toutes leurs affaires, ce qui était inhabituel à cette heure de la nuit.
“Les jours suivants, ils ont emmené d’autres personnes, y compris celles qui avaient été condamnées à de longues peines de prison ou qui avaient fini leur peine, ainsi que les filles qui étaient confinées dans des cellules à porte close (elles n’étaient pas autorisées à sortir dans le couloir).
“Au début du mois d’août, ils m’ont transférée en cellule d’isolement. Ensuite, ils nous ont emmenées dans le couloir de la section 209, qui était le ‘couloir de la mort’ de la prison d’Evine. Ils nous ont fait asseoir face au mur à l’extérieur du tribunal. J’avais les yeux bandés et je ne voyais pas grand-chose, mais d’après les sons que j’entendais, j’ai compris que l’endroit était très fréquenté. Par conséquent, ils ne nous ont pas emmenées au ” tribunal ” et nous ont renvoyées dans les cellules d’isolement.
Toutes les détenues de cinq salles, sauf une, ont été exécutées
“Un mois plus tard, lorsque nous avons été transférées de l’isolement à une salle closes, nous avons vu que parmi les détenues enfermées dans cinq salles closes, une seule avait survécu. Certaines de mes amies m’ont dit qu’ils avaient exécuté tout le monde. Toutes les preuves le démontraient, mais c’était difficile à croire. Je n’arrive toujours pas à croire que toutes mes amies et camarades ont été tuées en si peu de temps. Malheureusement, en raison du rythme élevé des exécutions, nous ne connaissons toujours pas les noms de nombreuses victimes.
“Je me souviens des noms de seulement 100 de mes camarades avec lesquelles j’ai passé du temps, dans différents services. Pendant sept ans, elles ont enduré des tortures vicieuses 24 heures sur 24 dans l’unité résidentielle, pendant neuf mois dans une « cage », pendant de longues périodes d’isolement cellulaire, etc. Maintenant, ces héroïnes qui avaient tant souffert devaient payer le prix de la préserver leurs convictions de partisanes de l’OMPI.
“Elles étaient toutes des héroïnes. Tayebeh Khosro-Abadi était paralysée des deux jambes depuis sa naissance. Elle avait terminé sa peine de prison mais a été exécutée. Tayebeh a dit : “Mon identité c’est simplement d’être une Moudjahidine du peuple. Je veux rester avec l’OMPI, et je resterai inébranlable jusqu’au dernier moment’.
“Achraf Fada’i avait reçu son acte de remise en liberté mais les autorités ne l’ont pas libérée. Avant de se présenter devant la Commission de la mort, Ahcraf a dit : ‘Je défendrai l’organisation (l’OMPI) et je mourrai en lui appartenant.’
“Mojgan Kamali et Fazilat Allameh ont déclaré haut et fort avant leur exécution : ‘D’abord ils vont nous fouetter et ensuite nous tuer.’ Elles ont défendu leur cause de toutes leurs forces.
” Avant de quitter la salle, Mahboubeh Safa’i nous a dit : ‘Si l’une d’entre vous survit et arrive à rejoindre l’OMPI, dites-leur que je n’ai jamais trahi nos dirigeants, Massoud et Maryam (Radjavi) jusqu’à mon dernier souffle.’
“Les préparatifs du massacre remontent à 1987. À maintes reprises, j’avais entendu Mojtaba Halva’i, alors qu’il torturait nos sœurs de lutte, qui disait : ‘Nous avons tué une génération d’entre vous en 1981. Nous allons anéantir aussi votre prochaine génération. Nous ne laisserons aucune d’entre vous survivre’.
” À mes courageuses sœurs, je dis : ‘votre génération a triomphé ! Aujourd’hui, vous êtes présentes partout où il y a un cri de résistance et de persévérance. Votre chemin continue jusqu’à ce que notre nation atteigne la liberté. Nous renouvelons notre promesse de ne pas relâcher nos efforts jusqu’à ce que tous les auteurs de ce massacre soient traduits en justice.”
Une génération de femmes éclairées a choisi de payer le prix de la liberté
L’ancienne prisonnière politique Mahine Latif figurait parmi les orateurs de la réunion. Elle a écrit ses mémoires de prison dans un livre intitulé “Si les murs pouvaient parler”, dans lequel elle décrit les crimes commis contre les femmes de l’OMPI dans les prisons des mollahs.
“J’ai commencé mes activités avec l’OMPI avec mes trois sœurs et mon frère en 1979. J’ai été arrêtée en avril 1982 et j’ai été détenue pendant environ six ans à la prison d’Evine, jusqu’en mars 1988. J’ai passé un an et demi en isolement dans le quartier 209 et dans des cellules d’isolement appelées “Asayeshgah (dortoir)”.
“L’une de mes sœurs, Farzaneh Latif, a été arrêtée lors d’une manifestation en 1981 et une semaine plus tard, elle a été exécutée à la prison d’Evine sans donner son nom.
“Mon autre sœur, Parvaneh, a été arrêtée le 20 juin 1981. Elle a été emprisonnée dans les prisons de Qezel-Hessar et d’Evine pendant six ans. Mon unique frère, Ali Akbar Latif, a été arrêté en 1981 à l’âge de 24 ans. Il a été condamné à une peine de huit ans. Il a été exécuté lors du massacre de 1988 à la prison d’Evine en raison de ses positions résolues contre le régime alors qu’il ne lui restait que quelques mois de sa peine à tirer.
“Parmi les héros qui ont payé le prix ultime de la liberté, il y avait une génération de femmes éclairées qui ont choisi de payer le prix total pour la liberté de l’Iran et de tous les Iraniens.
“L’une de ces héroïnes était Azadeh Tabib ; elle avait été tellement torturée que ses jambes étaient toutes lacérées et déformées. Elle ne gémissait même pas sous la torture ; ça rendait fou ses tortionnaires. Ils l’ont battue et lui ont dit : “Nous ne voulons aucune information de ta part. Nous voulons juste que tu cries”, mais ils n’ont pas entendu le moindre son. Azadeh a été exécutée lors du massacre de 1988.
“Sima Hakim-Ma’ani a été pendue les mains liées dans le dos, ce qui lui a cassé les deux bras. Lorsque les tortionnaires l’ont fait descendre, elle ne pouvait plus se servir de ses mains. Jusqu’au moment de son exécution, elle avait besoin d’aide pour ses moindres besoins.
“La docteur Minou Omrani a été arrêtée avec sa fille le 2 mai 1982. Qazaleh n’avait que trois ou quatre ans. Minou s’est enfuie pour éviter d’être arrêtée. Les gardiens de la révolution lui ont tiré dessus et l’ont blessée. Ils ont attaché Minou blessée au lit de torture devant sa fille. Lorsqu’ils ont perdu l’espoir d’obtenir des informations de sa part, ils l’ont envoyée à la potence dans cet état.
“Ce ne sont là que quelques exemples parmi des milliers d’autres des crimes horribles commis contre les femmes de l’OMPI. Toutes, sauf quelques centaines, ont été massacrées en 1988. Mes courageuses sœurs de lutte, Forouzan Abdi, Bibi Hamdam-Azimi, Faranguisse Keyvani, Maryam Saghari, Monir Abedini, Mojgan Sorbi, Homa Roudmanesh, et des milliers d’autres.
“Le régime clérical a tout fait pendant les quatre décennies de son règne pour dissimuler les dimensions de ses crimes ou les minimiser. Mais de même que les murs des prisons du chah se sont écroulés, les murs des prisons du régime clérical s’écrouleront un jour et ce n’est pas loin.”
Parmi les victimes figuraient certaines des ressources humaines les plus précieuses de l’Iran
La prochaine intervenante était la Dr Khadijeh Ashtiani. Emprisonnée pendant cinq ans, elle a été témoin de crimes horribles commis contre les femmes de l’OMPI. Son frère a fait partie des victimes du massacre de 1988.
“Mon frère, Mehdi Fat’hali Ashtiani, a été victime du massacre de 1988. Arrêté en 1984 à l’âge de 19 ans, il a été emprisonné à Gohardacht jusqu’en avril 1988. Sa dernière visite remonte au 25 juillet 1988. Il avait alors déclaré à notre mère : “Ces deux derniers jours, ils ont fermé les salles à clé et emporté les téléviseurs. Ils ne nous donnent pas à manger et nous disent : ‘Vous n’avez pas besoin de manger’ parce que nous allons tous vous exécuter’. Il a ajouté : “Si cela arrive, nous l’accueillerons à bras ouverts”.
” Par la suite, ils ont annulé toutes les visites. Finalement, le 18 novembre 1988, un pasdaran s’est présenté chez nous et nous a dit d’aller chercher les affaires de Mehdi.
“Le régime ne s’est pas arrêté aux exécutions dans sa tentative d’exterminer l’OMPI. Ils ont enlevé et tué beaucoup de ceux qui avaient été libérés. Ma sœur, Maryam Fat’hali Ashtiani, a été arrêtée en 1990. Après avoir été libérée de prison, elle a réussi à reprendre contact avec l’OMPI et envisageait de rejoindre l’Armée de libération nationale. Elle a quitté la maison le 2 octobre 1992 et n’est jamais revenue. Son passeport était resté à la maison avec nous. Comme nous n’avions pas de nouvelles, nous étions sûrs qu’elle avait été arrêtée. Le régime a d’abord admis son arrestation, puis l’a immédiatement démentie. Pendant 11 mois, du samedi au mercredi, ma mère s’est rendue au bureau du procureur, à la prison d’Evine et dans d’autres organismes pour s’enquérir de son sort, mais tous ont nié l’avoir arrêtée. Finalement, le 30 août 1993, Hamid Noury, l’homme de main qui est actuellement en procès (en Suède), a dit à ma mère : “Votre fille voulait rejoindre l’OMPI, alors nous l’avons tuée”.
” Zahra Niakan, Houshang Mir-Rahimi, et de nombreuses autres prisonniers politiques de l’OMPI ont été enlevés et tués après avoir été libérés de prison.
“Le sacrifice consenti par ces héros garantit notre victoire dans la lutte contre le fascisme religieux ; le jour de la victoire n’est pas loin.”
Nombre des victimes de ce génocide faisaient partie des ressources humaines les plus précieuses de l’Iran. Des étudiants, des diplômés dans divers domaines, des spécialistes, des professeurs, des écrivains, des artistes, des médecins, des infirmières, du personnel médical et des étudiants en médecine. Je vais lire les noms de certains de mes collègues : Le Dr Massoumeh (Shourangiz) Karimian, le Dr Tabibi-Nejad, 55 ans, le Dr Firouz Saremi, 60 ans, de Tabriz, qui a été pendu en public, le Dr Mansour Paydar Arani, le Dr Mohsen Faghfour, le Dr Reza Bahman Abadi, le Dr Mansour Hariri, dont la famille a perdu cinq membres, le Dr Farzin Nosrati, et de nombreux autres médecins et membres du personnel médical dont les noms et les coordonnées figurent sur la liste des martyrs de l’OMPI.