Pas de justice pour les victimes de viols par des autorités en Iran

Pas de justice pour les victimes de viols par des autorités en Iran

Un ancien député s’est tiré d’affaire malgré son agression sexuelle et la mort suspecte de la victime

CNRI Femmes – Un an et demi après la mort suspecte de Zahra Navidpour, l’une des victimes de viols et d’agressions sexuelles par un officiel en Iran, la Cour suprême du régime clérical a acquitté son agresseur.

La décision finale de la Cour suprême a exonéré Salman Khodadadi, ancien député des mollahs, de l’accusation de viol. La Cour suprême a confirmé la peine de flagellation de 99 coups de fouet et l’interdiction de deux ans de priver Khodadadi de l’exercice de fonctions publiques pour « liaison illégitime ».

Le verdict de la Cour suprême met ainsi fin à l’affaire de viol par un député, sans ordonner d’enquête sur la mort subite de la plaignante, Zahra Navidpour.

On ne sait pas si la peine commuée sera un jour appliquée à Khodadadi, qui avait fait appel du jugement en raison de son diabète. 

Selon les lois du régime clérical, la peine pour les auteurs de viol est la mort et la nouvelle de ces exécutions est ouvertement rapportée par les médias officiels.

Affaire examinée après le décès de la victime

Suite à la plainte déposée par Zahra Navidpour et seulement après sa mort, le tribunal de la province de Téhéran a reconnu Salman Khodadadi coupable d’adultère « sans recours à la violence » et l’a condamné à 99 coups de fouet en plus de deux ans d’exil interne, le privant de toute fonction élue ou nommée.

Khodadadi a fait appel du verdict et son affaire a été examinée par l’une des branches de la Cour suprême de Téhéran.

Rejetant l’accusation de « viol », la branche de la Cour suprême a accepté l’appel du condamné et n’a pas confirmé la décision préliminaire parce que Khodadadi souffre de diabète et s’injecte de l’insuline. L’affaire a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Téhéran pour être réexaminée. (Site Fararu – 15 octobre 2019)

Engager des poursuites contre le député agresseur

Zahra Navidpour, 28 ans, cherchait un emploi après la mort de son père, quand Salman Khodadadi, le député de la ville, lui a offert un poste et l’a attirée dans son bureau à Téhéran où il l’a violée.

Mme Navidpour a d’ailleurs appris par une autre amie que cette dernière avait été violée par ce député aussi, et qu’un certain nombre de filles n’avaient pas porter plainte, craignant pour leur vie.

Ayant des enregistrements audio et d’autres documents incriminants à portée de main, Zahra a intenté un procès à Khodadadi, mais en raison des collusions de ce dernier avec le tribunal, elle a été confrontée à un procès inéquitable et à un juge qui avait l’intention de l’incriminer.

Lors d’une rencontre verbale dans le bâtiment du parlement, Khodadadi a menacé de tuer Zahra et sa famille “du jour au lendemain, sans que personne ne le sache”.

Après avoir porté plainte contre Khodadadi, Zahra a annoncé dans les médias sociaux qu’elle avait été harcelée par des attaques à l’acide et qu’elle avait reçu des menaces de mort de la part des associés de Khodadadi ainsi que de personnes anonymes.

Elle avait informé le tribunal des menaces qui pesaient sur sa vie.

La famille sous pression  

Enfin, Zahra Navidpour a été retrouvée morte au domicile de sa mère le 6 janvier 2019.

Sa mort a d’abord été annoncée comme un suicide, mais on soupçonne qu’elle a été tuée par des hommes de main du député accusé de l’avoir violée.

Le médecin légiste était censé pratiquer une autopsie sur son corps pour déterminer la cause de sa mort suspecte, mais les forces de sécurité ont enlevé son corps pendant la nuit et l’ont secrètement enterrée dans un village isolé avant l’autopsie.

Dans un clip vidéo publié sur internet en mars 2019, la mère de la victime de viol Zahra Navidpour a révélé que sa famille subissait des pressions de la part des responsables de la sécurité et de la justice pour étouffer le meurtre de sa fille.

Elle a déclaré dans le clip que son fils était en prison pour avoir tué sa sœur dans un crime d’honneur.

Qui est Salman Khodadadi ?

Salman Khodadadi est devenu membre du Corps des pasdarans après la révolution de 1979. Il a ensuite été transféré au ministère du Renseignement. Il a été membre de la commission de la Santé et de la commission de la Sécurité nationale et de la politique étrangère lors des sixième et septième législatures. Au cours du huitième parlement, il a été vice-président de la commission de la Sécurité intérieure.

Le nom de Khodadadi est associé aux abus sexuels et aux viols. Au cours de son deuxième mandat au Parlement, il a été brièvement détenu, accusé d’avoir violé deux femmes, mais a ensuite été libéré sous caution.

Il a été disqualifié par le Conseil des gardiens pour la neuvième législature, il a donc continué à servir comme conseiller du ministre des Affaires étrangères.

Pour la dixième législature, la faction pro-Rohani lui a donné son soutien pour réintégrer le Majlis. Jusqu’en mars 2018, il a présidé la commission parlementaire des Affaires sociales.

L’indignation publique face à la décision du pouvoir judiciaire

L’arrêt de la Cour suprême iranienne a suscité une vive indignation dans l’opinion publique. Les internautes ont reproché au pouvoir judiciaire d’avoir infligé de lourdes peines aux militants civils et aux journalistes, mais d’avoir laissé leurs propres autorités s’en tirer à bon compte pour des accusations aussi graves que l’agression sexuelle, le viol et le meurtre.

Pas de justice pour les victimes de viol

Les femmes victimes de viols et de violences en Iran ne reçoivent aucune forme de soutien sous le régime misogyne des mollahs.

Le projet de loi visant à protéger les femmes contre la violence a été bloqué pendant huit ans et a fait l’objet d’un échange entre le Parlement et le pouvoir judiciaire avant d’être totalement remanié et transmis au gouvernement Rohani le 17 septembre 2019. Cependant, le gouvernement ne l’a pas encore transmis au Parlement pour adoption finale.

D’autre part, les femmes en Iran rencontrent de nombreux obstacles pour prouver qu’elles ont été victimes de violences et notamment de viols. Par exemple, elles doivent fournir des témoins pour prouver leurs affirmations. Dans le cas de Zahra Navidpour, l’agresseur a usé de son influence et a retourné la situation contre la victime.

Zahra Navidpour n’est pas la première femme en Iran à avoir été victime de violences et d’abus sexuels de la part de responsables du régime sans recevoir aucune forme de soutien et à avoir finalement perdu la vie. Son cas rappelle le destin tragique de Reyhaneh Jabbari et de Farinaz Khosravani.

Reyhaneh Jabbari, 26 ans, a été exécutée à l’aube du 25 octobre 2014 à la prison de Gohardacht à Karaj, à l’ouest de Téhéran. Elle avait déjà passé 7 ans en prison.

Reyhaneh Jabbari, décoratrice, avait 19 ans lorsqu’elle a été accusée du meurtre de Morteza Sarbandi, un médecin marié de 47 ans, père de trois enfants et ancien employé du ministère du renseignement (Vevak). Jabbari s’est défendue contre cet homme qui tentait de la violer.

Le 4 mai 2015, une jeune femme du nom de Farinaz Khosravani s’est jetée du quatrième étage de l’hôtel Tara à Mahabad, au Kurdistan iranien, pour échapper à un agent du ministère du Renseignement, Morteza Hashemivand, qui tentait de la violer.

L’agent est entré dans la pièce où Farinaz travaillait et a verrouillé la porte. Farinaz, qui n’avait aucun moyen de se défendre, s’est jetée par la fenêtre. Finalement, l’agent des services de renseignements et le propriétaire de l’hôtel qui était son complice ont échappé à toute sanction et l’affaire a été classée.

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