Atena Daemi, militante des droits de l’homme et des droits des enfants, vient d’écrire une lettre ouverte depuis la sinistre prison d’Évine (Téhéran), dans laquelle elle exprime sa solidarité avec le soulèvement populaire dans son pays.
« Ce régime qui a semé la terreur en récolte aujourd’hui ses fruits », écrit la prisonnière politique qui exprime par ailleurs son grand souhait d’être libérée pour accompagner les émeutiers. « Si votre quête de la liberté et del’État de droit est un crime, c’est un honneur pour moi d’être une criminelle à vos côtés », ironise-t-elle dans une allusion aux allégations du pouvoir contre les manifestants.
Voici quelques extraits de cette lettre:
Je suis une adepte du mal, de la sédition, de l’insurrection, des émeutes, des vagabonds, des criminels et des contestataires : tous ces mots utilisés par la rhétorique du pouvoir pour désigner les manifestants en Iran … Pour eux, comme ce ne sont pas eux qui dirigent le mouvement, les manifestants qui s’expriment indépendamment sont des vagabonds et des rebelles bons à réprimer d’une main de fer.
Ras-le-bol de 40 années d’une répression qui n’en finit pas, c’est en toute indépendance, sans tête, que le peuple est descendu dans la rue pour exprimer pacifiquement ses aspirations. La réplique du pouvoir a été la répression, des meurtres, des brutalités et des arrestations, ce qui a provoqué la colère de la rue.
Cette grogne populaire est qualifiée de « crime » ; un mot si dénué de sens face à 40 ans de répression, d’exécutions capitales et d’oppression.
Bien entendu, le pouvoir ne dit rien sur l’emploi du gaz poivré et de lacrymogène contre les manifestants de ces jours-ci, dont le seul remède est d’allumer le feu.
Ils ne disent rien sur des milliers de miliciens du Bassij et des gardes de sécurité qui ont tabassé les manifestants à coups de bâton et de matraque.
À mon avis, la violence est inacceptable, quel que soit son auteur. Pendant longtemps, le pouvoir a semé la violence et maintenant, il en récolte ses fruits.
Ce sont les forces de la répression qui engendre la colère du peuple ces jours-ci …
Toutes ces répressions, meurtres, détentions, incarcérations, menaces, intimidations, toute cette politique de terreur fait partie du tribut de la liberté ; le prix pour recouvrir nos droits, pour le bonheur de l’humanité. Ce tribut doit être payé et nous sommes en train de le faire.
Nous ne devons pas abandonner la résistance ne fut-ce qu’un seul moment.
Nous devons résister à la répression en toute conscience. Nous devons tirer nos leçons de l’Histoire de l’Iran et du monde. L’Histoire se répète constamment. La victoire n’est jamais offerte sur un plateau en or, mais aucune oppression ne peut pas perdurer à l’éternité non plus.
Nous sommes la génération de la révolution défigurée de 1979, la génération de la guerre de huit ans, la génération qui a été exterminée et exécutée dans les années 1980. Nous sommes les oubliés de l’Histoire. Notre cri est notre seule arme.
Aujourd’hui, plus que jamais, je souhaiterai être libre et à côté de mon peuple.
Ces jours-ci, je suis plus que jamais triste d’être derrière les barreaux.
C’est donc depuis cette prison d’Évine, le quartier des femmes, que je m’adresse au peuple iranien : « Si votre quête de la liberté et l’État de droit est un crime, c’est un honneur pour moi d’être une criminelle à vos côtés ».