Partout dans le monde, être infirmier(ère) est une profession qui fait partie des services publics. Les infirmières ont un rôle précieux dans le fonctionnement des hôpitaux et dans les soins médicaux. Elles sont en quelque sorte le relais entre le médecin et le patient. C’est pourquoi elles sont habituellement forgé d’un caractère solide. Eh bien ce n’est pas le cas en Iran. Être infirmière en Iran est un véritable calvaire. Dans un système issu de quarante ans de République islamique, les infirmières sont surexploitées et en proie à des difficultés de toute sorte qui les exposent à de graves et incessants fléaux sociaux et économiques qui s’aggravent d’année en année.
78,5% du corps infirmier de l’Iran est constitué des femmes qui travaillent sous des conditions intenables. Le manque de personnel hospitalier les oblige à cumuler les gardes de nuit, ce qui les empêche de mener une vie familière normale. Les infirmières qui sont mères sont confrontées à de graves problèmes dans la garde de leur nourrisson. Beaucoup d’établissements hospitaliers ne possèdent pas de crèche pour la garde des enfants du personnel. La plupart de ceux qui en ont, n’offrent pas la possibilité de la garde des enfants dans la nuit, quand les mères infirmières sont elles-mêmes de garde. Des salaires non-conformes à la prestation offerte, des arriérés de salaire qui s’accumulent, la non-application de la loi sur les primes de l’ancienneté, les conditions de travail très dures pour les infirmières qui sont enceintes, les conditions de retraites très sévères, des maladies telles que le rhumatisme ou les maux dorsaux, et de multiples lacunes des hôpitaux dues aux privatisations, sont parmi les autres problèmes qui s’abattent sur les infirmières.
Selon un dernier recensement effectué en septembre 2017, l’ensemble des cadres infirmiers embauchés dans les divers services médicaux, du bloc chirurgical à l’anesthésie en passant par les urgences, constituent 117 639 personnes dont 92 442 femmes. La moyenne des salaires des infirmières est de 24 millions de rials [500€] mais beaucoup d’entre elles travaillent moyennant un salaire de 5 millions de rials [100€].
Asghar Dalvandi, le directeur général de l’Ordre des infirmiers se plaint des injustices et des discriminations dont les infirmiers(ères) ont été victimes lors de ces cinq dernières années. Les circonstances de travail des infirmiers en Iran sont en dessous de celles des pays tels que l’Irak ou le Kenya, reconnaît Dalvandi.
“Le pays manque d’au moins 150 000 infirmiers. Selon les normes mondiales, le nombre des infirmiers doit être 1,8% de celui des lits d’hôpitaux. Ce chiffre est de 0,7% en Iran, ce qui révèle à quel point nous sommes loin des normes “, précise Dalvandi dans un entretien avec l’agence de presse Mehr, le 12 janvier 2019.
Mohammad Charifi, le secrétaire général de la Coopérative des infirmiers déplore, lui, le chômage qui frappe le personnel infirmier qualifié : quelques 30 000 personnes, indique-t-il avant d’affirmer qu’en même temps, nous enregistrons un manque d’infirmiers dans le pays.
“Selon une moyenne mondiale, il faut un infirmier pour toutes les 6000 personnes dans une société. Le nombre minimum d’infirmiers que nous devrions avoir en Iran pour une population de 80 millions de personnes, est de 240 000, alors que nous n’en avons actuellement que 160 000. “
Ce manque de personnel a provoqué des horaires de travail surchargées. “Hormis la pression du travail, le manque d’infirmiers entraîne une grande fatigue et multiplie les erreurs humaines dans le travail, ce qui contribue à la hausse de la mortalité dans les hôpitaux “, indique Abbas Eskandari, le directeur général de l’Ordre des infirmiers dans la province d’Ispahan, dans le centre de l’Iran, dans un entretien avec l’Agence de presse Ilna, le 12 janvier 2019.
À cause de ces horaires surchargées, les infirmières ne parviennent pas à accomplir correctement leur tâche professionnelle, ce qui les expose souvent à des humiliations et même à des coups et blessures. En 2017, 28 infirmières ont été victimes de coups et blessures et lors de ces trois dernières années, vingt d’entre elles ont perdu la vie à cause des pressions du travail.
La situation va certainement empirer, car le budget 2019 présenté par le gouvernement a diminué considérablement le crédit des établissements hospitaliers pour embaucher de nouveaux infirmiers. Alors qu’aucun organisme d’État ne se reconnaît responsable de l’embauche des infirmiers, la moitié des personnes issues des formations d’infirmiers sont au chômage. Dans certaines provinces du pays, seuls 450 personnes des 2500 cadres issus d’une formation professionnelle ont été embauchées.
En 2007, le parlement du régime a adopté une loi sur la conformité des salaires à l’ancienneté dans le travail des infirmiers. Plus de onze ans plus tard, cette loi n’a toujours pas été mise à application. C’est là l’une des causes des salaires dérisoires touchés par les infirmiers(ères), ce qui les oblige à multiplier volontairement leurs heures de travail. C’est ainsi que ceux e celles qui fournissent plus des 80% des prestations des hôpitaux sont privés de leurs droits élémentaires et le montant réel de leur salaire est pillé par l’État.
Ces conditions de travail intenables ont provoqué un phénomène de migration ainsi que des protestations répétées sans obtenir gain de cause.
“L’Iran a un grand besoin des prestations des infirmiers et le gouvernement devrait contribuer à l’embauche des infirmiers dans les secteurs public et privé “, préconise Charifi qui révèle le phénomène de migration. “Si la rémunération et les horaires du travail des infirmiers se conforment aux normes internationales, il n’y aurait aucune raison pour que nos infirmiers quittent le pays pour aller travailler dans des pays tels que l’Allemagne, l’Australie, le Canada, les États-Unis ou même les pays du Golfe persique ” (Agence de presse Ilna, 12 janvier 2019).
Il est vrai qu’avant la dévaluation de la monnaie nationale face au dollar, le salaire moyen d’un(e) infirmier(ère) dans ces pays était le triple de ce qu’ils touchent en Iran.