Le 11e parlement des mollahs, ou Majlis, a officiellement débuté ses travaux le 27 mai. Ce parlement compte 260 hommes et 16 femmes, tous sans exception dévoués et fidèles au régime misogyne des mollahs.
Environ 80% des députés sont issus de la faction fondamentaliste du guide suprême des mollahs, Ali Khamenei. Cette majorité n’est pas le résultat d’une véritable élection libre et équitable, ni même le produit d’un truquage électoral. Cette fois, les quotas de chaque faction ont été décidés à l’avance.
Depuis 40 ans, sous le régime des mollahs, tous les candidats aux élections parlementaires doivent prouver et déclarer leur dévouement et leur adhésion « dans la pratique et dans le cœur » au guide suprême des mollahs, comme condition de nomination. Dans l’étape suivante, le Conseil des gardiens examine et approuve les candidats éligibles.
Dans la troisième étape, mise en œuvre de la manière la plus visible en 2020, chaque faction se voit attribuer un quota de sièges parlementaires avant le jour des élections. En conséquence, 207 des 290 sièges du Majlis ont été attribués à la faction fondamentaliste de Khamenei.
Apprendre à connaître le nouveau Parlement
Pour se familiariser avec le 11e parlement des mollahs, il suffit de passer en revue les antécédents de son président, Mohammad Baqer Qalibaf.
Qalibaf avait 18 ans lorsqu’il a rejoint la milice du Bassidj dans les premiers jours qui ont suivi la chute du chah en février 1979.
En juillet 1979, il s’est rendu au Kurdistan lorsque Khomeiny, le fondateur du régime des mollahs, a lancé une fatwa de massacre de milliers de Kurdes sans défense.
Qalibaf a rejoint le Corps des gardiens de la révolution, les pasdarans, lors de sa création.
Le président du 11e Majlis a servi le régime clérical à divers titres au fil des ans, notamment comme chef d’état-major des forces terrestres des pasdarans, commandant en chef par intérim des pasdarans, commandant par intérim de la force paramilitaire du Bassidj, commandant des forces aériennes des pasdarans, commandant des forces de sécurité de l’État (SFE), maire de Téhéran, membre du Conseil de discernement, etc.
Pourtant, Qalibaf estime que ses années les plus brillantes se situent dans les années 1980, lorsqu’il faisait partie des matraqueurs qui réprimaient les manifestations de rue, ainsi qu’en 1999 et 2003, lorsqu’il a écrasé les protestations des étudiants de l’université de Téhéran.
Qui sont les quelques députées entrées dans le nouveau Majlis ?
Très similaire à la 10e législature, seuls 5,7 % des membres de la 11e législature sont des femmes. L’examen des liens entre les factions et des antécédents des députées éclaire sur la conduite future de ce parlement, en particulier pour les droits des femmes.
Neuf des 16 femmes qui ont trouvé le chemin du 11e parlement, soit 56%, sont issues de la faction fondamentaliste de Khamenei. Plus intéressantes, cependant, sont celles qui sont qualifiées d’« indépendantes », mais qui se consacrent ardemment à la politique fondamentaliste et terroriste du régime clérical. Quelques-unes sont identifiées ci-dessous :
- Massoumeh Pasha’i, fille du général des pasdarans Hossein Pasha’i tué avec Qassem Soleimani en Irak.
- Somayeh Mahmoudi, fille de Gholamreza Mahmoudi, Commandant par intérim d’une brigade de pasdarans, tué pendant la guerre Iran-Irak.
- Zohreh Sadat Lajevardi, fille d’Assadollah Lajevardi, le terrible Boucher d’Evine et le procureur de la révolution de Téhéran dans les années 1980. Il a été chargé de la torture et de l’exécution de milliers de prisonniers politiques, dont plusieurs milliers de femmes et de filles ; beaucoup ont été violées avant leur exécution
Selon une fatwa de Khomeiny, les jeunes femmes vierges étaient violées avant d’être exécutées. D’anciens prisonniers politiques ont témoigné que Lajevardi avait personnellement violé de nombreuses prisonnières et avait inventé une pléthore d’autres méthodes de torture physique et psychologique vicieuses, en particulier pour les détenues politiques.
Pour connaitre les députées qui représentent une dictature misogyne, il est également utile de connaître leurs points de vue.
- Dans une interview le 19 mai 2020 à l’agence ROKNA, Zohreh Lajevardi a fait des commentaires sur les mariages d’enfants. Elle a déclaré : « Si une fille est mentalement et physiquement mature, il n’y a aucun problème à ce qu’elle se marie. Par conséquent, nous ne pouvons pas définir un âge pour le mariage. En général, toutes ces questions sont secondaires (…) C’est une erreur de consacrer du temps et de l’énergie à des questions marginales comme les mariages d’enfants, car cela ne fait pas partie des principales préoccupations des femmes. »
- Elham Azad a également été présentée sous une étiquette indépendante. Sa première activité après l’inauguration du 11ème parlement a été de suivre l’application des politiques misogynes de Khamenei. Dans son discours à la session parlementaire du 31 mai 2020, elle a déclaré : « (Khamenei) a fait des remarques importantes sur la question des femmes et de la famille en 1990, 1997 et 2013, mais elles n’ont jamais été mises en pratique. » (Site Alef, 31 mai 2020)
Il est à noter qu’en 2013, en réaction au taux élevé de chômage en Iran parmi les femmes diplômées d’études supérieures, Khamenei a estimé qu’un rôle majeur des femmes est le ménage, ajoutant que la plus grande « croisade » d’une femme est de faire des enfants. (Khamenei.ir, 1er mai 2013 et le quotidien Ressalat, 2 mai 2013)
Un Bureau du Majlis entièrement masculin
Seuls 111 des 3190 députés des mollahs ont été des femmes au cours des 11 mandats de son histoire. La situation s’aggrave lorsqu’il s’agit de l’élection du Bureau, l’organe de la présidence du parlement.
Lors de 41 élections du Bureau, seules deux fois des femmes ont obtenu un siège.
Lors des élections du Bureau de la 11e législature, le 28 mai, deux femmes ont été candidates, et toutes les deux ont été éliminées.
L’une des candidates était Somayeh Mahmoudi qui a reconnu : « Ce qui s’est passé le 28 mai est un exemple de l’approche du Majlis dominé par les hommes. » (Khabaronline.ir, 1er juin 2020)
Fa’ezeh Abbasi, l’autre candidate perdante, a également déclaré : « Lorsque les gens veulent gagner des voix, ils parlent des droits des femmes et de la nécessité de la présence des femmes dans les fonctions du pouvoir ; mais lorsqu’ils obtiennent un nombre suffisant de voix, il n’y a plus de signe de la rhétorique précédente ni aucune mesure prise dans ce sens (pour protéger les droits des femmes) ». (Khabaronline.ir, 1er juin 2020)
Histoire des législations sur les droits des femmes
Un regard sur l’histoire du Majlis des mollahs et ses précédentes législations concernant les droits des femmes met en lumière la domination masculine comme l’essence même du régime clérical en Iran. Cela permet également de concevoir ce que l’on peut attendre du 11ème parlement à la lumière des nombreuses crises auxquelles le régime est confronté aujourd’hui.
- Le 8 octobre 2014, le Majlis a adopté un projet de loi pour soutenir ceux qui font “la promotion de la vertu et la prohibition du vice ». Ils ont ainsi autorisé des forces non officielles à imposer le voile obligatoire aux femmes. Cette législation a immédiatement conduit à une vague d’agressions à l’acide et d’agressions au couteau contre des femmes à la mi-octobre 2014 par des gangs organisés ayant des liens connus avec des organismes gouvernementaux. Les coupables n’ont jamais été identifiés ni arrêtés.
- Le 21 juillet 2015, le Majlis a adopté un autre texte de loi appelé « Plan pour protéger le caractère sacré de la chasteté et du voile ». En plus de souligner les articles inclus dans les précédents projets de loi et législations, le nouveau plan stipule que la police de la route peut sévir contre le voile mal porté comme une infraction routière et mettre des contraventions aux conductrices qui n’observent pas correctement le voile obligatoire. Ajoutant ainsi l’extorsion financière à l’humiliation, aux insultes et à la flagellation qui étaient déjà en vigueur pour punir au moins 70 % des femmes iraniennes qui s’opposent au port obligatoire du voile.
- En outre, le parlement des mollahs a jusqu’à présent rejeté toute tentative mineure de protéger les droits des femmes et des filles iraniennes.
- En décembre 2018, le projet de loi visant à faire passer l’âge légal du mariage pour les filles de 13 à 16 ans a rencontré l’opposition de députés masculins et a été rejeté par la Commission juridique et judiciaire. Un projet de loi similaire avait été proposé en 2000, mais il a été évalué comme étant en contradiction avec la charia par le Conseil des Gardiens.
- Le projet de loi visant à prévenir la violence contre les femmes a été proposé pour la première fois en 2011 et débattu au parlement des mollahs à plusieurs reprises, chaque fois refusé et ensuite renvoyé sous un titre différent. Finalement, au bout de 8 ans, le projet de loi a été approuvé par le pouvoir judiciaire et transmis au gouvernement le 17 septembre 2019.
- Le pouvoir judiciaire a remanié le projet de loi, en supprimant 15 de ses articles et en le privant de toute efficacité possible dans la prévention de la violence contre les femmes. Le projet de loi, rebaptisé “Sécuriser, Dignifier et Protéger les femmes contre la violence”, est resté aux mains du gouvernement Rohani sans avoir été transmis au Parlement pour adoption finale.
- Un autre exemple est le projet de loi sur la protection de l’enfance. Après dix ans de blocage, le Parlement l’a finalement adopté en août 2018. Cependant, le projet de loi a dû faire face à des objections du Conseil des gardiens et a été renvoyé à la Commission juridique et judiciaire du Parlement pour être amendé. Depuis lors, le projet de loi est toujours en attente d’approbation par la commission parlementaire.
Conclusion
Le peuple iranien, et en particulier les femmes, sont pleinement conscients que la conduite misogyne et criminelle de la dictature religieuse va s’aggraver alors qu’elle est confrontée à de nombreuses crises sans savoir comment les surmonter. Sa seule solution est de radicaliser davantage le parlement, en remplissant ses sièges avec ses éléments les plus vicieux et loyalistes.
Les forces de sécurité en Iran ont tué quelque 1500 innocents lors du soulèvement de novembre 2019 sur ordre direct de Khamenei.
L’économie du régime étant déjà plongée dans le chaos, la pandémie de coronavirus a réduit le régime dans sa position la plus vulnérable depuis ses 40 ans de pouvoir. Logiquement, il devrait recourir à une répression de plus en plus vive contre la dissidence politique et sociale et en particulier contre les femmes qui sont en première ligne de l’opposition au régime.
Par conséquent, le 11e parlement des mollahs n’aura d’autre mission que de légitimer et de faciliter ces crimes d’Etat contre les citoyens iraniens.
D’autre part, les femmes courageuses d’Iran, porte-étendards de l’égalité des générations, sont engagées dans une lutte à part entière pour un changement de régime en Iran.
Avec un leadership qualifié, elles ont prouvé leur égale valeur dans une bataille de vie ou de mort pour l’avènement d’un Iran libre, démocratique et prospère où tous les citoyens et les femmes iraniens jouiront d’une pleine égalité.
Comme leurs frères, les femmes iraniennes ne cesseront de lutter tant que le régime misogyne des mollahs ne sera pas déraciné et que la liberté ne sera pas un nom familier en Iran.