Les meurtriers tentent de cacher les preuves de leur crime contre l’humanité.
CNRI Femmes – La Journée internationale des victimes de disparitions forcées rappelle au peuple iranien le massacre de 1988 et l’enterrement des corps de milliers de prisonniers massacrés dans des fosses communes en Iran.
Chaque année, le 30 août, la Journée internationale des victimes de disparitions forcées attire l’attention sur le sort des personnes disparues de force par des régimes dictatoriaux, des guerres, des conflits politiques, des filières d’immigration ou pour des raisons inconnues. Selon les Nations Unies, des milliers de personnes dans le monde sont détenues dans des conditions défavorables et dans des lieux dont les proches ou les représentants légaux n’ont pas connaissance.
Les disparitions forcées par les gouvernements ne visent pas toujours à empêcher les activités dans lesquelles la personne disparue est impliquée. L’objectif est également d’intimider la famille, les collègues de travail et les proches.
Depuis 33 ans, “les autorités iraniennes refusent de révéler le sort et le lieu de détention de milliers de dissidents politiques qui ont été victimes de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires en secret lors des massacres de prisonniers de 1988. “Il s’agit d’une crise qui a été largement négligée par la communauté internationale pendant des décennies, a déclaré Amnesty International le 28 août 2019 à l’approche de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées.
La mort de milliers de victimes n’est toujours pas enregistrée et des milliers de corps disparus sont enterrés à travers le pays dans des fosses communes non répertoriées.
“Depuis plus de 30 ans, les autorités iraniennes ne reconnaissent pas publiquement et officiellement l’existence de ces fosses communes et en dissimulent l’emplacement, ce qui cause des souffrances incommensurables aux familles qui cherchent toujours des réponses sur leurs proches disparus”, a déclaré Amnesty International.
Les fosses communes en Iran
Lors du massacre des prisonniers politiques en 1988, les agents du régime ont enterré à la hâte les prisonniers qu’ils avaient exécutées. Un nombre important d’exécutions ont eu lieu dans différentes villes. Il était essentiel pour les auteurs du massacre de dissimuler leur ampleur. Ils ont donc choisi des fosses communes pour accélérer l’enterrement des victimes du massacre.
Répartition géographique des fosses communes en Iran
Des fosses communes ont été découvertes dans les villes de Dezfoul, Ahwaz, Zandjan, Lahidjan, Anzali, Téhéran, Bandar-e-Gaz, Garmsar, Sangar, Oroumieh, Masjed-e-Soleiman et dans les provinces de Kurdistan, Guilan, Hormozgan, Golestan et Semnan.
Cimetière de Khavaran à Téhéran
Reza Malek, ancien vice-ministre du renseignement, a révélé dans un message au secrétaire général de l’ONU : « Si vous cherchez un génocide et des criminels, il y a plus de 170 à 190 charniers en Iran, voir plus. Votre Excellence, certaines de ces fosses communes contiennent les corps chargés dans un petit camion ; d’autres les corps vidés de trois ou quatre conteneurs réfrigérés. » (Site Mojahedin.org – 27 juillet 2015)
![Le cimetière de Khavaran à Téhéran](https://women.ncr-iran.org/fr/wp-content/uploads/2021/08/destruction-of-Khavaran-1-min.jpg)
Cimetière de Zandjan
Un témoin a rapporté : « Le 21 août 1988, un pasdaran qui avait un morceau de papier à la main s’est avancé et a dit qu’il lisait les noms de certains prisonniers qui devraient se tenir prêts. Quelques minutes plus tard, ils ont emmené les prisonniers dans le village de Hassanabad, à l’ouest de Zandjan, où ils les ont exécutés. Ils ont transféré les corps dans un cimetière en haut de Zandjan, situé dans la rue Dabbagh-ha.
Le gardien du cimetière a déclaré : « La nuit, j’ai vu de nombreuses voitures entrer dans le cimetière. Ils ont creusé de grandes fosses à trois endroits. Puis ils ont vidé trois voitures pleines de corps dans les fosses. »
Le gardien a poursuivi : « Ils ont versé trois wagons de chaux sur les corps. La nuit suivante, je me suis rendu sur le lieu de l’enterrement et j’ai vu une main qui sortait du sol. J’ai creusé un peu et j’ai mis la main sous la terre. C’était la main d’une fille. »
Le cimetière de Dezfoul
Mohammad Reza Ashough, un rescapé de dernière minute massacre du massacre, a rapporté que 44 prisonniers avaient été convoqués à ce qu’ils appelaient la “prison de l’UNESCO” sous prétexte d’être transférés. Une heure plus tard, ils ont reçu chacun un linceul à porter. Puis ils les ont emmenés hors de la ville, les ont tous tués et enterrés ensemble.
![A gauche, deux vues de fosses communes à Lahidjan. A droite, une fosse commune à Dezfoul.](https://women.ncr-iran.org/fr/wp-content/uploads/2021/08/Left-two-shots-of-mass-graves-in-Lahijan-right-mass-grave-in-Dezful-min.jpg)
Le cimetière de Golestan
Dans une information sur le cimetière d’Agh-Seyed Morteza dans la province de Golestan, au nord de l’Iran, un habitant a déclare que des chiens errants sont arrivés dans la zone la nuit et ont commencé à creuser. Lorsque la terre a été enlevée, les corps enterrés ont fait surface. Les chiens ont arraché les vêtements et la main d’une victime.
Le cimetière d’Oroumieh
Bijan Pirnejad, membre de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK), affirme que son frère, Houshang Pirnejad, a été exécuté pendant le massacre alors qu’il était paralysé.
« Mon jeune frère, Houshang, avait fini de purger sa peine. En août 1988, il faisait partie d’un groupe de prisonniers de l’OMPI emmenés de la prison d’Oroumieh sous prétexte d’être transférés à la prison de Tabriz. Ils ont été entassés dans deux minibus et emmenés sur les collines entourant le lac Oroumieh, une zone contrôlée par les pasdarans.
Des gardiens de la révolution armés d’armes froides comme des couteaux, des machettes, des gourdins, des bâtons, des haches et des hachoirs les attendaient.
Ils ont attaqué les prisonniers menottés aux mains et entravés aux pieds et les ont littéralement massacrés. Les cris des prisonniers ont attiré l’attention de quelques villageois qui se sont précipités sur les lieux mais ont été menacés et forcés de partir par les pasdarans. Ces prisonniers ont été enterrés dans le cimetière d’Oroumieh. »
![De g. à dr. et de haut en bas : Des fosses communes à Semnan, Ahwaz et Anzali](https://women.ncr-iran.org/fr/wp-content/uploads/2021/08/Clockwise-from-top-left-Mass-graves-in-Semnan-Ahvaz-and-Anzali-min.jpg)
Amnesty International a révélé l’existence de fosses communes en Iran
Le 29 avril 2018, Amnesty International a publié un rapport contenant de nouveaux éléments et documents sur les fosses communes en Iran où des prisonniers ont été enterrés.
Le rapport comprend des images satellites, des photos et des vidéos analysées des fosses communes. Les responsables iraniens détruisent les charniers confirmés ou présumés de prisonniers massacrés en 1988. Lors de ce massacre, des milliers de prisonniers ont été victimes de disparitions forcées pour des motifs politiques et d’exécutions extrajudiciaires.
Dans son rapport intitulé “Criminal Cover-up”, Amnesty International souligne qu’ « Amnesty International et Justice for Iran ont examiné la situation de sept sites contenant des charniers confirmés ou présumés. Leurs recherches révèlent que les autorités iraniennes se sont livrées à un certain nombre d’actions entre 2003 et 2017 pour profaner et endommager les sites de toute autre manière. Elles ont notamment procédé à des travaux de terrassement, dissimulant les fosses communes sous de nouvelles tombes individuelles, construit des dalles de béton, des bâtiments ou des routes sur les fosses communes, et transformé les fosses communes en décharges. Dans au moins trois cas, les autorités semblent planifier des actions qui endommageraient davantage les fosses communes ».
Un crime cruel, persistant et continu
Les disparitions forcées comptent parmi les pires violations des droits humains. Des personnes sont arrachées à leur famille par des agents de l’État ou d’autres personnes agissant en leur nom, qui nient ensuite que la personne soit sous leur garde ou refusent de dire où elle se trouve. Les familles sont ainsi plongées dans un état d’angoisse, tentant désespérément de garder l’espoir tout en craignant le pire.
Il n’y a pas de crime plus cruel que la “disparition” d’un être humain. Les disparitions forcées sont un outil de terreur à l’impact dévastateur qui frappe non seulement les individus et leurs familles, mais aussi des sociétés entières, laissant des cicatrices très difficiles à guérir.
Elles constituent donc un crime au regard du droit international, et si elles sont commises dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile, elles constituent un crime contre l’humanité.
Pour la plupart des proches des disparus, la perte de l’être cher continue à être ressentie comme récente, même lorsque la logique leur dit que la personne est très probablement morte. Tant qu’il y aura de l’incertitude, il y aura de l’espoir. Tant qu’il y aura de l’espoir, ils resteront piégés dans des limbes tortueux, incapables de faire leur deuil ou de poursuivre leur vie. Pour les parents, abandonner l’espoir est ressenti comme une trahison, comme s’ils tuaient leur propre enfant.
Selon le droit international, le crime de disparition forcée persiste jusqu’à ce que l’État révèle le sort de la victime ou l’endroit où elle se trouve. Si la personne disparue est décédée, l’État doit restituer les restes de la victime à sa famille.
La nécessité de découvrir la vérité et de rendre justice
L’ampleur réelle de l’atrocité et les conséquences du massacre de 1988 n’ont pas encore été établies. Les tombes des victimes sont encore inconnues de nombreuses familles, et les principaux responsables du massacre n’ont pas été poursuivis et punis.
Les principaux responsables du massacre de 1988 ont occupé des postes d’autorité pendant des années. Plus récemment, l’un des auteurs du massacre de l’été 1988, Ebrahim Raïssi, est devenu président du régime.
Accorder l’impunité aux dirigeants du régime clérical leur a donné la possibilité de nier ce crime selon un plan organisé, tout comme ils ont perpétré le massacre des prisonniers et des personnes arrêtées selon un schéma bien planifié.
Cette attitude et le fait de fermer les yeux sur leurs crimes sont les raisons mêmes pour lesquelles ils se sont enhardis à poursuivre leurs crimes jusqu’à ce jour.
Simultanément à la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, le Comité des femmes du Conseil national de la Résistance iranienne appelle la communauté internationale, les Nations unies, et en particulier le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées, à enquêter sur le massacre de plus de 30 000 prisonniers politiques et sur les fosses communes en Iran.